Millenium, « Les hommes qui n’aimaient pas les femmes »

DERAPAGE EN GRAND NORD

Après avoir biographié avec talent la vie de Marck Zuckerberg, David Fincher replonge dans l’enquête policière avec Millenium et retrouve avec passion sa lubie du tueur en série. Le dernier en date Zodiac était d’une rare intensité, un casse-tête insensé et psychopathe nous laissant ainsi aspirer par la force de l’intrigue. Avec Millenium, le pari était sans doute trop risqué. Ce qui faisait la force de Social Network est ici la faiblesse de Millenium, son scénario. 

C’est dans une salle comble que la seule place restante et m’étant naturellement désignée est en première ligne. Et ce sont les rugissements de Trent Reznor qui viennent m’éveiller de si bon matin, il est à peine dix heures. Les images explosent à mes yeux, m’aveuglent par moment et la férocité industrielle du gourou de NIN vient valser avec une destruction métallique et malsaine d’un corps féminin glacial, robotique. L’intensité dégagée par le générique viendra malheureusement s’éteindre le long d’un film bien trop étendu, 2h38 qu’il aurait fallu épurer d’une bonne heure inconsistante. La bande originale de Social Network par le même Trent Reznor venait porter le film. Ici, elle passe inaperçue. 

Les personnages de Fincher ont toujours été des somnambules schizophrènes, insomniaques et c’est ce qui offrait une impression de fébrilité angoissante perspicace. Avec un Daniel Craig très mauvais acteur, c’est un anglais soigné bisounours et fade qui tente de déjouer une série de crimes qui s’avérons être liés. En échec dans ce rôle, ce n’est pas Rooney Mara, sa partenaire qui relèvera sa performance. Une rebelle casse-noix gothico-punk qui marque le point d’orgue de ma critique. Entre ses scènes de viols grossières, crues et insensées au regard de la trame scénaristique, la violence exagérée contre son bourreau par la suite et une histoire d’amour futile et incompréhensible avec Daniel Craig alors qu’en début de film, on la découvrait dans une scène lesbienne, nous voilà bien mal en point. Certes la bisexualité n’est pas interdite mais la cohérence est de bon ton. Alors l’analyse est évidente, on ressent la peur de décevoir, le fameux « il n’a même pas filmé ce passage du livre » et à vouloir satisfaire tout le monde, ça donne un scénario à rallonge qui lâche son spectateur. Au vu de la qualité de ses précédents long-métrages, c’est surprenant de voir Fincher se perdre dans le scénario, ce qui a fait de lui un maître. 

Tout n’est pas à jeter, ce serait de mauvaise foie. Et la partie passionnante réside dans l’intrigue principale, la quête d’indices, les études photographiques, les recherches interminables. En cela l’on retrouve la force de Zodiac. Et quand la pelote de laine se démêle c’est d’un plaisir tout avoué que l’on découvre enfin la face du méchant tueur dans cette partie de Cluedo suédois dans le grand froid. 

Mais que dire de cette dernière demi-heure où la folklo racaille se transforme en gentille sentimentale, tout est bâclé, incompréhensible chasse aux comptes bancaires et une dernière scène qui laisse sans voix. La belle venant à jeter un beau manteau de cuir noir à la poubelle lorsqu’elle aperçoit le beau avec son amante, elle qui voulait lui offrir ce présent signe de virilité. En perdition total, là encore pour tenter sans nul doute le raccord avec le roman, le montage aurait du être d’un cruel bien plus prononcé. Je dis bien une bonne heure à supprimer et ainsi garder l’essence même d’un polar, l’enquête. Décevant nouveau Fincher donc, en espérant qu’il en a définitivement fini avec cette trilogie. Mais les rumeurs ne vont pas dans ce sens.