L’année cinéma se termine dans le froid relatif d’une énième tournée de blockbusters à faire déplacer la choucroute violette de Sabrina, dit Sab’, caissière depuis 25 ans à Hyper U et l’esthéticienne du Val-de-Marne dans le Pathé accolé au Bowling 100% R’n’b et du Buffalo Grill au steak toujours trop cuit : Rogue One, j’en mouille déjà, Premier contact de Denis Villeneuve, ou encore le scandaleux Assassin’s Creed avec le pauvre Fassbender en manque probablement de liquidité en ce moment.
Mais passons ce mois de décembre d’une décadence toute banlieusarde, pour en tirer un bilan de l’année cinéma écoulée. La vision 2016 est violente mais réaliste. La brutalité des mises en scène nous expose à un futur sombre et peu glorieux. Comme le collectif Catastrophe de l’ami Burgalat l’explose à nos tronches de minet bien palot, il n’y a plus d’espoir. Divines, et malgré une Una Benyamina antipathique, est une réussite totale, anti-film de banlieue et d’un regard violent mais tellement pertinent sur la jeunesse française et cette génération racaille (« Money, money ! »). Toni Erdmann nous dépasse, relation père-fille d’une beauté sourde, susurrée d’un humour tranchant, invasif, mais profondément triste et désemparé face à une société de quadragénaire tout aussi paumé. Et aucune génération n’est épargnée avec la disparition de la vision rétrograde d’une vieillesse bon enfant pour nous en montrer une en grande difficulté sociale (Aquarius, I, Daniel Blake).
Mais heureusement que notre âme d’enfant un peu paumé sait s’éveiller devant, la tendresse réconfortante de Balou dans le Livre de la Jungleversion Favreau, ou encore le surréaliste Midnight Specialet son enfant élu de Jeff Nichols. Passant d’une comptine d’enfant à une poésie d’adulte, le dernier Jarmush est une définition linéaire de la beauté par la simplicité, la routine accouchant d’une poésie subtile, Paterson vivant dans la ville de Paterson est une leçon d’amour par le cinéma, une poésie insolente de justesse, quasi infantile, et pas si éloignée de la quête existentielle de Dory et son voyage à travers son océan de souvenirs, ni très loin du Poesia si finde Jodorowsky.
Poésie toujours avec Naomi Kawase qui m’avait fait chialer comme personne devant Still the Water et qui récidive avec Les délices de Tokyo, mon dieu que cette traduction française est d’une violence inouïe à faire pâlir le québécois et son Mac Poulet. Grand écart à craquer mon pantalon à pinces feu de plancher, avec Neon Demon, déjà culte, mocheté esthétique, virtuosité narcissique de Refn, et objet indéterminé que l’on aimerait vomir dans une flûte en cristal pour mieux le servir à cette pute de luxe qui nous sert de faire-valoir. Vive la beauté malsaine, l’image reine et le cinéma de Refn.
The Witchm’a terrifié sans me dégouter,Ma loute est là aussi une ode poétique aux plages du nord de la France rarement aussi bien filmés, Diamant noir ,surprise de l’année, et une Anne Dorval bouleversante et d’une rare justesse par son regard final dans Réparer les vivants,en clôture magistrale de cette année 2016.
Les Bonbecs d’or (très personnels) du meilleur et du pire au cinéma en 2016
Le film de l’année :Toni Erdmann, de Maren Ade
Le film qui te fait grave chier d’aimer car ça te placarde en bobo germanopratin dans sa tour d’ivoire qui s’émeut de ces pauvres jeunes de banlieue: Divines, de Uda Benyamina
Le film qui te pousse à sauver un inconnu en offrant ton rein pour finir en dialyse le reste de ta vie :Réparer les vivants, de Katell Quillévéré
Le film qui te pousse à supprimer ton historique toutes les minutes, changer de carte SIM chaque semaine et écraser ton téléphone à clapet sous tes doc martins comme Jack Bauer :Snowden, de Oliver Stone
Le film du plus gros pétage de plombe fantastique, en mode Casper et perte totale de crédibilité : Personal Shopper, de Olivier Assayas
Le film qui t’oblige à te cacher au fond de ton siège et rire en mordant ta lèvre, tellement t’as honte de te marrer devant des pets de la reine d’Angleterre :BGG, de Steven Spielberg
Le film dont tu n’arrêtes pas de t’écharper avec tes collègues trentenaires fans de Celine Dion et qui sont persuadés que le cinéma se résume à des gros plans ringards et des dialogues foutus en l’air tellement le texte original est bafoué :Juste la fin du monde, de Xavier Dolan
Le film uniquement réalisé pour filer enfin ce putain d’Oscar à Léo : The Revenant, de Alejandro Gonzalez Inarritu
Le film qui te donne le plus envi de te foutre une biture monstre, faire un road trip dans le Limousin, et mettre en cloque une rousse sauvagement : Saint-Amour, de Bruno Delépine et Gustav de Kervern
Le film qui te pousse à supplier une échographie abdominale pour ne jamais, mais ne jamais finir avec des calculs et te taper la tête de cocker de Marion Cotillard (bon après tu peux quand même te faire la porte de prison Louis Garrel) :Mal de pierre, de Nicole Garcia
Le film dont tu es fier de dire brillamment que c’est de la merde, et que ce prix du scénario cannois, c’est vraiment « un compromis malsain d’un juré à la masse » :Le client, d’Asghar Farhadi
Le film qui t’oblige désormais à te faire vomir après chaque repas, prendre un billet business pour LA, et chier sur la tête de ces pétasses de mannequins, car c’est toi la reine de beauté, bitches : Neon Demon, de Nicolas W.Refn
Le film qui adoucit ton regard sur l’autisme quand tu vois la tronche de l’acteur principal :Les animaux fantastiques, de David Yates
Le film tellement bien fait que ça commence vraiment à te foutre mal à l’aise ces animaux qui parlent comme des humains, en mode Patrick Bouchitey:Le livre de la Jungle, de John Favreau