On reconnait un cinéaste au sommet lorsqu’il est capable de tout dire en très peu, rendre l’ordinaire beau et vivant, sans jamais forcer dans le maniérisme, Hong Sang-Soo et son « Introduction » continue son investigation des relations humaines dans une grâce cinématographique au bord du superbe. Son cinéma s’assombrit, l’espoir s’échappe, la pesanteur d’un amour déchu, de parents séparés, de l’amour d’une mère que l’on ne voit désormais que de loin (la scène finale, avec une femme que l’on devine à peine sur son balcon). Il y a chez HSS une capacité infinie à réinventer un cinéma prolifique (plus de 25 long-métrages), et un nouveau prix avec l’Ours d’argent à Berlin ce mois-ci avec son dernier long-métrage « The Novelist’s film ». Certains étalent leurs propos pendant plus de 2 heures, comme Guillermo Del Toro et son « Nightmare Alley », sans dire grand chose et se perdre dans un thriller pompeux, d’autres comme HSS disent tout en à peine 1 heure. La photographie de son grain noir-blanc, parfois floutée par la neige tombante, apaise et signe la grandeur du simple, du naturalisme dénué de toutes facéties ; on aimerait ce voyage se prolonger, mais l’on accepte qu’il se termine vite. Car comme tout grand film, il ne cesse de continuer dans la tête, même les lumières rallumées.
Axelle Ropert répond à Hong Sang-Soo avec son très beau « Petite Solange », et cette capacité rare de ne jamais en dire trop, préférant utiliser le geste juste plutôt que le mot de trop. Solange impose sa maturité et son regard adulte sur un monde qu’elle est censée méconnaitre, pendant que les parents, eux, jouent les adolescents en goguettes. Il y a certes une tristesse apparente, mais l’on est surtout bouleversé par la force et le talent de Jade Springer pour interpréter cette épreuve adolescente, qui, au terme d’une scène finale brillante, rapproche et grandit plus qu’elle ne rabaisse. Ropert n’en fait jamais trop, utilise le hors-champ et la symbolique pour raconter, nous suggère plus qu’elle n’impose. « Petite Solange » est un film abouti, une affirmation claire d’Axelle Ropert après notamment un premier film léger et aux défauts plus marqués (« La prunelle de tes yeux »).
Je crois qu’il n’y a plus grand sens à apitoyer l’irregardable « Big Bug » de Jean-Pierre Jeunet, ou la surenchère numérique de « Mort sur le Nil » avec sa photo repoussante et son prologue interminable. Par contre, l’on peut être clairement déçu de Sean Baker et de son dernier film « Red Rocket », après avoir été emballé par l’excellent « The Florida Project ». Baker n’a pas su retrouver son écriture intuitive et émotive, film long et redondant, parfois malaisant (cette relation avec une mineure), il se sauve par la performance hors-norme de Simon Rex, mais n’arrive pas à dépeindre l’américanisation de la loose que par un regard biaisé de condescendance. Une Amérique de la marge bien mieux filmer d’ailleurs par Zhao et son « Nomadland » l’année dernière. Tout comme le « Macbeth » de Joël Coen, un raté indigeste qui dessert Shakespeare plutôt qu’il ne le porte, le noir et blanc en faux esthétisme, simple élan prétentieux vide d’idée.
La liste des films du mois, et leur note sur 5
Tragedy of Mc Beth 2
Petite Solange 3.5
Introduction 4.5
The Innocents 3.5
Moi, Christiane F. 2
Big Bug 0,5
Mort sur le Nil 1.5
L’arnaqueur de Tinder 2
Nighmare Alley 2.5
Red Rocket 2
After Blue 4
Scream 1.5
Massacre à la tronçonneuse 3
Le discours 2
La vraie famille 2