2018

MARS

La nuit a dévoré le monde de D. Rocher – Sortie le 7 mars – 4/5

Comment ne pas se laisser dévorer par la beauté intrépide d’une Golshifteh Farahani dessinée dans les traits d’un Denis Lavant au sommet ? A travers cette version intimiste d’un Walking Dead version française, c’est Paris qui se retrouve perdu, les rues sont désertes et abandonnées à la seule force qui vaille dans un temps post apocalyptique, la survie. Une mise à l’épreuve où les choix sont impossibles, une jungle sanguine en pleine cité et la Lumière de la démocratie abandonnée par une mort (vivante) omnipotente. Rocher extirpe alors la quintessence du cinéma de genre pour tenter d’en sortir une expérience nouvelle. Réussie.

Chien de S. Benchetrit – Sortie le 14 mars – 0/5

Adaptation de son propre livre, Benchetrit livre un Chien arrogant, d’une prétention démesurée, brouillon et perdu dans un dystopisme certes très à la mode, mais qui se meurt dans un sous Lanthimos presque gênant. Macaigne en sur-jeu permanent, théâtralisant son propre corps au dépens de l’histoire, on en vient à regretter un Van Damme préalablement pressenti et qui aurait finalement donné un peu de véracité à cette compote branchouillarde indigeste. Et ce n’est pas une pauvre Vanessa Paradis blafarde en mode « Nicole Kidman du pauvre » qui relèvera l’ensemble.

Ready Player One de S. Spielberg – Sortie le 28 mars – 1/5

En plus de kidnapper le brillant Tye Sheridan (Mud, Tree of Life), Spielberg livre un film choral apologiste d’une génération Z à dégueuler, substance abrutissante d’un monde perdu dans le digital, où la seule porte de sortie d’une vie médiocre et sentimentalement décédée est la poursuite d’un graal caché dans un oasis numérique. Ou plutôt ici une énorme quantité de thune et le fameux pouvoir complotiste de contrôler un monde qui n’existe pas. Quoi finalement de plus logique qu’un type comme Spielberg déraisonne une société qu’il voit perdue dans un film esthétiquement aussi laid que sa reprise d’AI ? Il répondra qu’il l’a fait exprès. Mais mettre en scène une telle débâcle est quoi qu’on en dise coupable. 

Marie Madeline de G. Davis – Sortie le 28 mars – 0/5

Par où commencer ? La machine à chialer Garth Davis et son « Lion » pour pré-pubère libidineuse à peau grasse récidive en foutant Joaquin Phoenix en Jésus, et la pauvre Rooney Mara dans le rôle d’une Marie Madeleine bien plus trash dans le livre Saint que dans la fadeur absolue de cette tentative de « biopic » à mourir de rire (tâche de déterminer le véritable sens historique de cette adaptation ridicule du christianisme par ailleurs). Davis calque les bonnes vieilles leçons hollywoodiennes à Oscar dans un non sens permanent, une tragédie cinématographique qui ruine l’ambivalence d’un tel « personnage » pour réduire Marie Madeleine à une pauvre groupie écervelée. Comme son public en somme.   

AVRIL

Dans la brume de D. Roby – Sortie le 4 avril – 0/5

Quel délire à pu bien toucher Daniel Roby pour décalquer en version française le The Mist de Stephen King mis en scène par Frank Darabont en 2008 ? Pour contourner le plagiat, il nous rajoute un enfant bulle à sauver au milieu de cette purée de pois et un Romain Duris toujours aussi exaspérant qui se bat comme il peut contre la beauté fade d’Olga Kurylenko. C’est grotesque, les effets visuels renvoient à la nostalgie bien tassée du dimanche après-midi et son téléfilm catastrophe sur M6 (genre « la tempête du siècle » ou « SOS ouragan destructeur ») ; et c’est sans compter sur une bonne vieille démagogie à message verdoyante. Un film littéralement…catastrophique. 

L’île aux chiens de W. Anderson – Sortie le 11 avril – 4/5

Wes Anderson a cette fâcheuse tendance à répéter sans cesse la même (excellente) compote qu’il cuisine depuis La Famille Tenenbaum. On osait espérer une évolution, voire une révolution mais il s’est empêtré dans sa géométrie jaunissante pour finir dépassé et rempli de lourdeur (The Grand Budapest Hotel). Sans renier sa popote habituelle, Wes Anderson joue ici un rôle moins poétique et plus politique, maturé par les années qui passent et venant délivrer un film d’animation authentique pour enfin sortir de son enfance nostalgique (Mr Fox). Il était temps. 

Love Addict de F. Bellocq – Sortie le 18 avril – 0/5

Quelle tristesse de voir se perdre la sublime Mélanie Bernier dans ce ramassis de clichés dépravants, insultant avec brio toute une nouvelle génération tentant durablement d’éradiquer le machisme et l’idiocratie sexuelle. Et l’inconscient Bellocq dans sa veine tentative d’humour vient abaisser une femme cérébrée en coach castratrice d’un loser en costume 3 pièces, Kev Adams et son allure de VRP d’aspirateur. L’une des comédies les plus navrantes de l’année, et c’est dire après le grand chelem français (Les Tuches 3, La Ch’tite Famille, Mme Mills).

Nico, 1988 de S. Nicchiarelli – Sortie le 18 avril – 4/5

Exercice casse-gueule que le biopic, et le plus souvent lourdingue (Barbara, Yves-Saint-Laurent,…), mais avec Nico 1988, Nicchiarelli dépeint avec intelligence « le jour d’après », la vie d’une femme après l’euphorie d’une jeunesse hors-champ. Nico est ridée, brune, éternellement seule dans une bataille interne brillamment mis en scène. Il n’y a pas de regrets, il y a la normalité installée après l’anormale, le combat d’une mère pour son fils, d’une artiste pour sa musique, et des lendemains tristes dans une cuisine en céramique. Et c’est ainsi que se dégage à travers une performance immense de Trine Dyrholm le sacré graal du cinéma moderne, la sincérité d’une œuvre.

ÉTÉ

TOP 5 des films de l’été (à ne surtout pas aller voir)

1. L’école est finie de Anne Depetrini – Sortie le 11 juillet 2018

La reine du navet Depetrini est de retour avec une bombe bien cradingue d’humour franchouillard dégoulinant et sa flopée d’acteurs de seconde zone avec l’excellente Bérangère Krief haute en couleur dans le reconnu Bad Buzz. L’enfer est absolu et ininterrompu dans cet énième version du parisien à la campagne et la fameuse phrase pitchée « lorsqu’elle troque ses louboutins ». Cette vision rétrograde de la ville contre la campagne fait peine à jouir, et donne le tournis : qui peut encore produire un tas de fumier pareil ?

2. Ma Reum de Frédéric Quiring – Sortie le 18 juillet 2018

Quoi ? Max Boulbil associé à Audrey Lamy ça ne vous suffit pas ? Et si je vous rajoute le réalisateur de RIS, ce dégueuli policier TF1 ? Encore des doutes sérieux ? Bon alors je vous mets un scénario écrit par un tétraplégique à l’aide de ses paupières (une mère va se battre contre des ados qui torturent son fiston), des vannes Texiennes sortis des Zamours et une hauteur intellectuelle ne dépassant pas la ceinture annale. Si vous décidez tout de même d’y aller, je me fous en l’air. 

3. Neuilly sa mère, sa mère de Gabriel Julien-Laferrière – Sortie le 8 août 2018

Comment peut-on si maladroitement rire de la ségrégation sociale parisienne, jouer des clichés les plus terribles dans un humour grabataire à choquer les humoristes de droite des « 3 ânes » ? Laferrière le joue avec brio dans une soupe populiste indigeste qui envoie un richou dans une cité de Nanterre. Quelle pitié, sans imagination ni distance, précipitant notre regard dans une gêne ininterrompue. 

4. Lukas de Julien Leclerq – Sortie le 22 août

Le professionnel des films de bastons au nom évocateur (L’assaut, Braqueurs, Tu ne tueras point) revient avec son gourou décérébré Jean-Claude Van Damne pour péter des gueules et tenter de devenir le héros à la gueule cassée pour sa gamine de 8 ans. Comme les yeux bovins du coiffeur à l’angle de votre rue, c’est bien le vide qui s’installe et accapare ce Refn du pauvre dans une ambiance maudite par la tristesse d’un Van Damne trop vieux pour ces conneries.

5. Bonhomme de Marion Vernoux – Sortie le 29 août

Hormis une Béatrice Dalle qui a besoin de cash pour payer ses cuites dans le 16ième, le duo Girardot-Duvauchelle s’enlise dans une pathétique relation amoureuse impossible entre un teubé devenu encore plus teubé par un accident de la route et la pimbêche de banlieue à la culotte trop large. Ca n’a aucun sens, écrit sur une nappe d’Hippopotamus et par pitié, que l’on arrête de filer du job à Duvauchelle qui fout en l’air tout ce qu’il joue. 

SEPTEMBRE

J’ai perdu Albert de D. Van Cauwelaert – Sortie le 12 septembre – 0/5

Rien que le pitch est incompréhensible (une médium de stars, un apiculteur dépressif, Albert Einstein) dans ce ménage à trois qui s’enlise dans un profond marécage de mauvais goût et de blague vaseuse avec en tête de gondole l’écervelé Stéphane Plaza qui fait une entrée remarquée dans le monde de la cinéphilie de caniveau. C’est pesant et interminable, une torture ininterrompue qui prend rapidement la forme d’une bête malade qu’il faut rapidement abattre.

Les frères Sisters de J. Audiard – Sortie le 19 septembre – 4/5

Autant je combat la sur-évaluation du travail de Jacques Audiard notamment depuis le terrible « De rouille et d’os », sorte de fable à la métaphore de cours d’école , autant je ne peux qu’accorder son retour en grâce avec ce western initiatique. D’une violence jamais gratuite et baignée d’une élégance sanguine se détachent la vraie question du film et sa quête profonde d’une humanité perdue. Joaquim Phoenix mais surtout la révélation de la série The Night of Riz Ahmed surnagent et arpentent avec brio la voie de la rédemption. 

Un peuple et son roi de P. Schoeller – Sortie le 26 septembre – 1/5

Schoeller se la joue Deschamp et nous rameute les 2 pépites du cinéma français avec son grand benet au milieu (Adèle Haenel, Gaspard Ulliel et Louis Garrel) pour gagner sa Révolution en pleine Histoire de France. Ce n’est pas sans nous rappeler l’équipe de France et son attaque de feu (Mbappé, Griezman et Giroud) avec des sans-culottes qui gambadent, deux trois têtes qui tombent et des mecs qui gueulent en espérant changer le cours d’un match dont ils sont les simples spectateurs. Les films d’époque, c’est comme le foot, rapidement inregardable quand personne n’a le niveau.   

I feel good de B. Delépine et G. Kervern – Sortie le 26 septembre – 4/5

Jamais aussi percutant que dans le milieu citadino-rural et les ZEP qui sentent le Buffalo Grill et les multiplex de mauvais-goût (Le Grand Soir), Delépine et Kervern récidivent avec une justesse incomparable en opposant (il fallait en avoir le culot) Dujardin et Yolande Moreau dans une conquête du rêve à la française, c’est à dire, dans un costume beige mal taillé en banlieue de Pau. Le pathétique et le malaise sont balayés dans une histoire moderne qui parle, sans moquerie ni malaise, d’une écriture toujours percutante. Et donc terriblement touchante.  

NOVEMBRE

Heureux comme Lazzaro de A. Rohrwacher – Sortie le 7 novembre – 3/5

Dans une fable d’apparence naïve et anachronique, Rohrwacher réalise avec élégance l’écart d’apparence casse-gueule entre Lazzaro (joué par Adriano Tardiolo), christique et porteur d’un Amour transgénération et la bêtise putassière d’un Sergi Lopez un peu paumé (faire jouer un espagnol en langue italienne…) représentatif à lui seul du déclin d’un monde piétiné par le consumérisme. Ode naturaliste et tellement moderniste au retour à la simplicité de la vie, Heureux comme Lazzarone doit pas être arrêtée au cul-cul de sa première lecture, mais plutôt appréciée par la complexité d’un message sous-terrain (bio et sans engrais bien sûr). Hautement recommandable, mais pas toujours lisible. 

Suspiria de L. Guadagnino – Sortie le 14 novembre – 0/5

En s’emmerdait déjà à mourir dans le pathos à faire chialer la pucelle de son dernier film à mascara qui coule (Call me by your name), la prétention de Guadagnino n’a plus de limite et s’attaque avec dédain à l’immense Suspiria du maestro Dario. C’est forcément raté, l’esthétique est bafoué comme une pâle couleur mauve fuchsia de la caissière du coin : c’est sans saveur et ça fait même pas peur. On assigne à résidence pour moins que ça. Kev Adams a déjà son bracelet électronique, que Guadagnino surveille sa porte d’appartement. Rien n’est à sauver de ce copycat pour ados en mal de sensation moite.

Les filles du soleil de Eva Husson – Sortie le 21 novembre – 1/5

Annoncé avec grandiloquence comme une claque féministe à faire pâlir la fille Argento et ses jolis discours sans retenus, Husson livre un film de guerre bas de gamme, avec une Golshifteh Farahani trop belle pour la kalash’, et des scènes de guérillas tournées à l’épaule tellement révolutionnaire qu’on se croirait de retour vers le futur avec un come-back spielbergienannée 90…c’est dire. Certes la trame historique n’est pas dénuée de sens ni d’intérêt (des femmes kurdes engagées contre des djihadistes pour retrouver un enfant perdu) mais rien ne ressort de bien vivant de cette vaine tentative d’essai féministe tentant de sauver la mise par une voix-off finale arrivant trop tard.

Lola et ses frères de Jean-Paul Rouve – Sortie le 28 novembre – 0/5

Après avoir encensé la meilleure comédie française depuis un bon bout de temps avec Le grand bain, je ne pouvais passer à côté de son parfait antonyme. Rouve tente piteusement le travail de mise en scène, lui qui devrait rester derrière sa moustache et son regard bovin du bôf idéal dans les Tuches, avec un mélo pâteux et sans idée. On ressort la bon pitch du trio incompatible qui finit par ne plus se quitter dans d’innombrables retournements de scénarios risibles et devinés avant même la moue surprise d’une Ludivine Sagnier au plus bas. Ça fout le bourdon, et surtout un mal de crâne à se taper Alad’2 comme exutoire…Non, je déconne, pas mauvais à se point quand même.

DECEMBRE

Leto de K. Serebrennikov – Sortie le 5 décembre – 5/5

Leto est une putain de bombe, une descente virevoltante en noir et blanc dans la scène rock underground de l’URSS dans un vent anarchiste qui fout la trique, un trio amoureux qui déchire et un clin d’œil appuyé au rock anglo-saxon érigé en héros de la guerre froide. Décomplexé par sa forme abstraite, combinant la sueur du cuir et la violente douceur d’un amour perdu, Serebrennikov livre un chef d’œuvre d’une élégance punk, porté par la révolte, la transgression et le plaisir intemporel de foutre le bordel et de hurler la gueule enfariné sur le diktat du conventionnel. 

Une affaire de famille de H. Kore-eda – Sortie le 12 décembre – 3/5

Un bon Kore-eda, loin d’être son meilleur, mais cette palme d’or 2018 aura le mérite de faire déplacer la population ignorante en salle obscure afin d’applaudir  en silence la virtuosité de Kore-eda à filmer l’humanisme par son angle le plus humble, les visages au zoom, les relations sociales nivelées par l’amour de l’entraide, et la filiation au centre de son obsession. Malgré un sursaut twisté en deuxième partie de film, on navigue en connaisseur du maestro, et on s’ennui rapidement dans cette contemplation à l’image presque trop belle. 

Aquaman de J. Wan – Sortie le 19 décembre – 1/5

Le roi de l’épouvante au rabais (Conjuring, Insidious) s’élance tête la première dans un océan de pétro-dollars avec sa première tentative de blockbuster qui suinte. Le problème, c’est qu’on fini à se noyer la tête dans l’eau des chiottes, un gout acre d’excrément collant la langue et la salive triste qui s’éclate sur la cuvette. C’est lourd, heteronormativé à la testostérone pour ménagère, dans un scénario absurde, sans aucune lecture ne serait-ce que dépassement la taille impressionnante de ma verge en érection. 

Seconde chance de P. Segal – Sortie le 26 décembre – Joyeux Noël /5

Soyons fou bordel, c’est Noël, laissons cette seconde chance à Peter Segal, LE mec de La famille foldingue,  à Jennifer Lopez et ses jambes variqueuses de quadra en tailleur, à ce pitch d’une originalité mémorable (une femme d’expérience qui tente de s’imposer dans un milieu dont elle ne maitrise pas les codes), à son humour vaseux au message polissé à mourir de psoriasis (l’expérience, c’est bien quand même).  Mais me voilà empli d’un esprit de Noël et d’une bonté grâcieuse : « Seconde chance, le film surprise de cette fin d’année ? ». Un film n’a jamais autant bien porté son nom.