La critique est à retrouver dans Culturopoing
Imam est le stéréotype de l’adolescente complexée, timide et discrète, élève modèle
qui cherche sa place en fond de salle, une effacée tête d’ampoule qui se rêve à
briller devant ses camarades, l’appât de l’attention et du rugissement social. Va surgir
en ouverture un anachronique « Action ou vérité », et avec lui, le mensonge. Imam
rebondit sur une rumeur en confirmant la contrevérité, elle confesse avoir eu une
toute première relation sexuelle avec son voisin, le fameux type ténébreux au regard
mystérieux en parfait cliché d’une virilité prétendue du fantasme hétéronormé. Dans
ce spectre d’images éculées, on pourrait modestement s’emballer avec ce négatif de
« How to have sex » (de Molly Manning Walker) et cette intrigue d’une fausse «
première fois », idée pas malheureuse en soit, mais qui ne décolle jamais. En cause,
une mise en scène littérale et sans grande inventivité qui finit dangereusement à
s’apparenter à un film de fin d’étude. Et puis, doit-on encore et toujours se farcir ce
faux mysticisme de la relation sexuelle, le sexe comme tabou et faux mystère alors
qu’il inonde tous les écrans et discussions de nos ados ? Sa décomplexion, et à son
inverse, la maladie du porno par tout et du détournement du corps des femmes est
une vraie question générationnelle, pas la mise sur orbite d’une première fois. Ou
alors pourquoi ne pas prendre son contre-point, le choix de plus en plus répandu
d’une asexualité assumée. L’on pourra me répondre que Una Gunjak (découverte à
la Semaine de la critique en 2014 avec « The Chicken ») voulait tordre le cou au
carcan patriarcal menottant les jeunes femmes dans leur désir d’émancipation, je
répondrais que le film certes utilise le contexte géopolitique serbo-croate mais n’en
fais finalement pas grand-chose, si ce n’est le pointer simplement du doigt.
La seule lueur de charme dans ce dédale de banalités, c’est la jeune Imam
(remarquablement interprétée par Asja Zara Lagumdzija), touchante car dans le juste
interstice de cette adolescente en quête d’attention, tristement seule dans une famille
qui l’oubli, mais assez éveillée pour en avoir conscience, un désir de liberté encerclé
par un bouillonnant cerveau qui ne cesse de pousser le curseur du mensonge
jusqu’à son auto-persuasion (s’imaginant même tomber enceinte avec des
vomissements somatoformes). Imam est belle à voir, à se débattre dans la
construction d’un monde fictif, de son monde qu’elle a bâti pour être le temps d’un
instant, une autre, une femme qu’elle rêvait d’être, une femme regardée, admirée.
Bien trop maigre donc face à la féroce comparaison des long-métrages « salles de
classe » des derniers mois, on pense à la glaçante rumeur dans « Les herbes
sèches » de Ceylan l’année dernière, plus récemment du côté allemand avec « La
salle des profs » ou en France avec « Pas de vagues ». La thématique semble
éculée, et « Excursion » se fracasse aussi face à une redondance
cinématographique malheureuse. Et le sempiternelle poids de la rumeur, de la
pression sociale, l’envahissement des réseaux sociaux, et les conséquences sur la
fragilité mentale des adolescents. Il y aurait tant à décliner, mais bien tristement,
Gunjak se contente à peine d’effleurer une quelconque réponse, pour nous
soumettre, scènes après scènes, des questions que tout le monde se pose depuis
plus de 10 ans. Film anachronique, usé et éculé, et ce malgré une performance
remarquable de sa jeune actrice, « Excursion » se morfond dans l’ennui et la banalité sans jamais réussir à saisir les enjeux d’un monde adolescent qui va bien plus vite
que lui.