Désormais bien intégré dans le paysage cinéphile helvétique, le LUFF (Lausanne Underground Film Festival) transgresse désormais les frontières pour imposer sa patte unique par sa programmation pointue, provocatrice, sachant porter la nouveauté par le passé, l’avant-garde par la beauté d’un éclectisme rare, et porteur d’une génération qui ne souhaite qu’une seule chose : exister.
Pour schématiser notre présence cette année, voici les 4 plus folles découvertes de cette nouvelle édition.
- Flux Gourmet de Peter Strickland (film d’ouverture)
Délire Cronenbergien sauce menthe, humour anglais pour un roumain expatrié à Londres, amour de la provocation, et vaste sujet que la flatulence et sa maladie cœliaque l’accompagnant, Strickland navigue à vue d’artiste contemporain entre un ton premier degré quasi médicalisé, et un second burlesque. Il applique avec soin un discours anti-patriarcal sur le rôle de la femme en cuisine, le verbalise puis le détourne d’une fin d’explicite. Régalade amère donc, grande bouffe auditive, et qui sait entretenir le fantasme du backstage, celui du hors-champ invisible (des orgies improbables, les luttes internes d’un groupe de rock et la guerre d’égo qui en découle souvent). Multiple et foutraque Flux Gourmet qui amuse plus qu’il ne passionne, fait parfois fausse-route mais saisit par bribes une certaine poésie digestive.
2. Myen (musique, LUFF OFF)
L’atmosphère est saisissant, un chapiteau en autarcie, des branches enroulées dans un chandelier horrifique, le stroboscope qui tabasse, les yeux qui piquent, et une succession de sons jouant avec liberté et audace la rupture, les changements de rythmes parfois proche de la déroute, mais qui ne cessent de retomber dans une homogénéité entre jungle et punk. L’ensemble se déchaine dans une puissance archaïque, de lâcher-prise proche du rituel.
3. All jacked up and full of worms de Alex Philipps (sélection long-métrage)
On pense aux frères Safdie et « Good Time », à Gaspard Noé et sa relation cinématographique à la trans par la drogue (« Enter the void »), mais également à l’humour incandescent d’un buddy movie comme « Las Vegas Parano » de Terry Gilliam. Et pourtant, Philipps arrive à imposer un regard nouveau, celui d’une déglingue d’apparence immonde et tortueuse, mais qui dessine les contours métaphysiques d’un trip libérateur (à l’Ayahuasca ?), état d’hypnose subconscient qu’il est si difficile de décrire par les mots, mais qu’il image ici avec intelligence, une certaine même délicatesse dans un torrent d’horreur et d’ignominie, une libération viscérale des traumatismes passés en une expérimentation unique. Là aussi, malgré des scènes parfois difficilement soutenables, une force de l’amitié et de l’entraide surgit de manière hasardeuse mais touchante dans cette heure et dix minutes exténuante.
4. Experimental 2 : Fireworks (sélection 9 courts-métrages)
Et c’est bien la furieuse combinaison des 9 courts-métrages se succédant qui accouche de son expérience, une accumulation hypnotique d’images disjointes, de sons harassants, une recherche d’un certain état de trans, expérimentation visuelle très Vasarely prenant une forme parfois animalière, de synthèse, de brouaha obscure et indivisible. Mélange insensé et stimulant avec en tête les 8 minutes de VS de Lydia Nsiah et les 11 de Terror has no shape de Luis Arnias.