L’article est à retrouver dans son intégralité sur le site internet du Bonbon Nuit, lieu premier de sa publication.
L’adolescence, une source cinématographique impérissable qui déferle son lot de drames, de pleurs, et souvent de situations bien malaisantes. La liste serait trop longue, mais l’on retrouve bien sûr les vannes à acné (Les Beaux Gosses, Supergrave), les tragédies (Elephant, Virgin Suicides), les intemporels (400 coups, Les tricheurs). En ce début avril, on retrouve une lycéenne en burn-out (About Kim Sohee), une jeune fille mal-aimée (The quiet girl), et Lucie éperdument amoureuse d’un mec qui en pince pour une autre (Normale).
- Si tu veux te rappeler la violence de ton entrée dans le monde du travail : ABOUT KIM SOHEE
Kim-Sohee est une jeune fille vivante (représentée par sa passion, la danse) et l’arrivée d’un stage de fin de lycée dans un call-center va rapidement la transfigurer, déshumanisée par la tyrannie des chiffres, la pression des classements, la quête de la prime. Au-delà du scandale d’état coréen qui a frappé tout un pays, July Jung (du très beau « A girl at my door ») filme frontalement la transfiguration d’une certaine forme de pureté (y compris physique de Kim-Sohee) jusqu’à sa détérioration (l’alcoolisme en cache-misère) et la mort de toute vitalité (la dépression) d’une gamine à peine sortie des classes qui doit batailler dans un monde du travail exécrable de compétition et dont la pression de réussite est inhumaine. Brutal, parfois trop sur-titré (notamment sa fin), l’œuvre est bien entendu troublante d’actualité. Le travail en seul source de réussite et d’épanouissement, lui qui va bientôt s’imposer des années en plus dans des existences souvent brutalisées par sa présence.
Pourquoi il faut y aller : Lorsqu’on te sort la fameuse valeur travail en excuse, tu pourras en parler à la prochaine manif.
Mais d’un autre côté…Parfois trop démonstratif, trop appuyé, il n’y avait pas besoin d’autant pour interpeller.
« About Kim-Sohee » de J. Jung – sortie le 5 avril
- Si tu veux te rappeler la douleur de l’exclusion ado : THE QUIET GIRL
En début de film, Cáit est effacée, moquée, ses yeux baissés, son regard rempli de mal-être, elle urine encore au lit, et reste dans un mutisme déroutant. A l’inverse de la trajectoire prise par Sohee, Cáit va elle s’ouvrir au monde et à sa reconstruction progressive lorsqu’elle se retrouve accueillie le temps d’un été par un couple endeuillé par la perte de leur jeune fils. Le parallèle est saisissant, entre sa famille génitrice incapable d’écoute et d’attention, et celle d’accueil qui remplit rapidement son nouveau monde d’un amour inconditionnel. D’un sens de l’esthétisme certain, et d’une maîtrise scénique bluffante, Bairéad filme l’éloge du silence et de la quiétude, l’épanouissement d’une jeune fille délaissée à travers la simplicité d’un amour champêtre. Il y a cependant un réel malaise dans l’apposition riche/pauvre (en cataloguant les derniers en mauvais parents, filmant le riche couple en héros, et le couple pauvre en despote) mais la beauté du film est ailleurs si l’on peut la saisir, dans l’œil de cet enfant qui retrouve vie, petit miracle résurrecteur de destinée.
Pourquoi il faut y aller : Pour la beauté des images mettant en valeur l’épanouissement réjouissante d’une fille délaissée
Mais d’un autre côté…Surexposée notamment par sa photographie, ça force un peu le trait, parfois à la limite du niais. Et ce parallélisme maladroit qui mélange richesse et amour.
«The Quiet girl » de C. Bairéad – sortie le 12 avril
- Si tu veux te rappeler les douloureux souvenirs de ton premier amour : NORMALE
Lucie, écrivaine en herbe, conteuse et menteuse, affabulatrice géniale va rencontrer un mec pas comme les autres, déconstruit, mais bataillant avec sa propre sensibilité pour être accepté par les machos. Se dégage de cette histoire naïve une atmosphère à part, drôle et amère, jouant entre l’image et le verbe, bricolé, et d’une énergie authentique A côté de cette amourette maladroite, elle doit s’occuper seul de son père (Benoit Poelvoorde) atteint de sclérose en plaque, un homme qui n’y arrive plus, la robe de chambre tachée, la paperasse accumulée sur un bureau où il geek des heures sur un jeu d’heroic-fantasy pour échapper à sa réalité, et une vue qui va le quitter. Film testamentaire pour le miraculeux Poelvoorde, atmosphère grand-guignolesque (ce spectacle rétro-futuriste), et émotion débordante dans cet objet difficilement cernable, mais passionnant car inclassable.
Pourquoi il faut y aller : Pour Poelvorde forcément, mais pas que. Ce duo d’adolescent admirable entre tendresse et premier degré très fun.
Mais d’un autre côté…Inclassable, et donc potentiellement illisible.
« Normale » de O. Babinet – sortie le 5 avril