Cet article est à retrouver sur le site internet du Bonbon Nuit, lieu premier de sa publication.
Pour finir l’année, et avant le tant attendu top 10 ciné, nous partons cette fois-ci pour des grands espaces, les montagnes italiennes du Val d’Aoste, le désert aride du Kazakhstan et la douceur méditerranéenne d’Haïfa : de ces superbes décors naturels naitront des drames humanistes.
- Si tu veux être touché par une amitié trans-géographique, des alpes italiennes à l’Himalaya népalaise : LES HUIT MONTAGNES
De leur enfance italienne au grand air, à l’âge adulte en rupture, l’on suit le parcours de deux amis de toujours, Pietro et Bruno, baigné de décors somptueux de la vallée d’Aoste pour l’un, à l’Everest pour l’autre. Au-delà de la beauté naturaliste stupéfiante, rappelant avec intimité Frammartino et ses Calabres dans Il Buco, on retrouve par ce parcours divergent la capacité humaine à s’accomplir soit par opposition à ses origines (Pietro, rejetant son père jusqu’à sa mort) ou son acceptation aveugle (Bruno, où même l’amour pour son propre enfant ne pourra le faire quitter sa montagne). Opposition de vie et de valeurs, universalité du propos, nous qui quittons parfois nos amis d’enfance pour souvent les retrouver comme si le temps n’avait cessé de passer.
Pourquoi il faut y aller : La beauté des paysages, et cette histoire d’amitié et d’amour brillamment mis en scène
Mais d’un autre côté… La surutilisation de cette musique folk un peu pompeuse
« Les huits montagnes » de C. Vandermeersch et F. Van Groeningen – sortie le 21 décembre
- Si tu veux voir la plus belle mise en scène de l’année au ciné : POET
Un poète contemporain s’interroge sur le sens de sa vie, l’oubli du langage et la beauté du verbe noyée dans l’amas numérique. En filigrane, la vie de Makhambet, lui aussi poète mais surtout figure politique kazakh du 19ième siècle, personnage symbole de révolution qui s’est opposé au régime dictatorial au prix de sa vie. De son oubli à son exhumation dans un temple à sa gloire, il est à lui seul tout l’enjeu de Poet : le combat des mots face à l’oubli de penser, l’attrait de l’argent dominant les décisions, l’opposition mutée en sournoise acceptation. La mise en scène est somptueuse, la plus remarquable vu cette année, et malgré une image aride et d’une certaine amorphie, le merveilleux dénouement final impose Poet comme un film majeur de l’année.
Pourquoi il faut y aller : Pour sa mise en scène magistrale, et des thématiques qui comptent plus que jamais actuellement : savoir s’opposer, dire non ; et savoir le faire par les mots.
Mais d’un autre côté… Lent, aride comme le désert du Kazakhstan filmé
« Poet » de D. Omirbayev – sortie le 14 décembre
- Si tu veux trouver – un peu – de réconfort dans ta dépression saisonnière : FIEVRE MEDITERRANEENE
Walid est dépressif, sa petite vie d’homme au foyer le plonge dans une léthargie profonde, jusqu’à une rencontre en point de bascule, avec Jalal, son nouveau voisin de palier, petit trafiquant à la virilité machiste. D’un sujet grave et plombant (la dépression donc), Haj détourne les codes du mélo dans une comédie lourde de sens, drôle et brillamment imaginé par un choc de personnalité (le pantouflard dépressif en cuisine, le mafieux bricoleur). Ce n’est pas tant la lecture de cette maladie mentale chronique qui intéresse, mais les enjeux qu’elle draine : le suicide et l’abandon de ceux que l’on aime, l’absence absolue de révolte intellectuelle, une anesthésie du cœur, abandon de vitalité, et fatalité de l’âme. Amertume de ton, lecture géopolitisée (sous fond de haine intestine Palestine-Israël), audace d’écriture et de mise en scène, cette fièvre méditerranéenne donne étrangement un goût d’espoir, ou du moins d’une certaine chaleur humaine, dans ce raz de marée d’obscurité et d’apathie.
Pourquoi il faut y aller : Pour le duo d’acteur formidable (Hlehl et Farah), l’amertume de cette comédie pas comme les autres
Mais d’un autre côté… La mise en place peut-être longuette, mais indispensable à la révélation de sa suite
« Fièvre méditerranéenne » de M. Haj – sortie le 14 décembre