L’article est à retrouver dans le Bonbon Nuit, lieu premier de sa publication.
Avant la grande bouffe cannoise (16-27 mai), deux pépites à la forme diamétralement opposés se dégagent, l’une par la fulgurance de son regard sur la mort (Disco Boy), l’autre par la distance étrangement bluffante qu’il porte sur lui-même (Le cours de la vie). Les deux films se rejoignent tout de même par leur capacité à nous interroger sur les fondements de nos acquis (la mort, l’amour).
- La mort : DISCO BOY
Aleksai s’enfuit de Biélorussie clandestinement, arrive à rejoindre la France et s’engage dans la légion étrangère pour s’émanciper dans la douleur, et accéder à la nationalité. Cette bête froide sous anesthésie se retrouve confronter à une prise d’otage en Niger. Et à un chef de la rébellion, Jomo, même âge, même fureur, et deux destins qui vont se croiser. Disco Boy est une bombe métallique et sanguine qui transfigure la violence militaire à la danse créative, la mort à la résurrection, une formidable fable où la mise à mort enclenche la régénération, le salut de ce laissé pour compte que l’on imaginait passant par un bout de papier nationalisé passera finalement par sa résignation de l’armée dans une forme de rédemption intérieure, une libération du militarisme et ses codes par le vent libérateur du pardon. Cet œil vairon que portait Jomo, que portait sa sœur et que portera Aleksai finit de nous hypnotiser dans un rythme fou martelé par la magistrale BO de Vitalic.
Pourquoi il faut y aller : Pour ce contre-pied inattendu, et le revirement du machisme militaire en quête de pardon par la danse
Mais d’un autre côté…Parfois brouillon dans son scénario, il y a de quoi s’y perdre.
« Disco Boy » de G. Abbruzzese – sortie le 3 mai
- L’amour : LE COURS DE LA VIE
Noémie, scénariste à succès, retrouve Vincent, directeur d’une école de cinéma en province, l’accueillant le temps d’une master class sur son travail d’écriture. L’on comprend très vite le lien indélébile entre eux, un amour perdu, un déchirement qui n’a jamais pu s’oublier, une cicatrice suintante de regrets et de tristesse. Agnès Jaoui est magistrale, elle qui ne cesse de nous perdre entre jeu et réalité, tout comme le film qui brouille les pistes entre le discours pédagogique (passionnant), les leçons d’écriture, et la vie, la vraie, avec ses drames, ses douleurs, et ses histoires d’amours (entre Vincent et Noémie donc, mais aussi entre les élèves, et un trouple succulent). Une mise en abime du cinéma français brillante, catharsis de ses propres clichés, et de ses critiques souvent justifiés, avec en clin d’œil, la bande son de Vladimir Cosma. Un film jamais démonstratif, joueur, presque narquois, un sourire toujours en coin, dans un jeu de dupe qui amuse et touche.
Pourquoi il faut y aller : Pour son aspect pédagogique sur l’écriture, mais surtout pour sa distance tordante sur notre cher cinéma français
Mais d’un autre côté…Ces bla-bla peuvent sentir l’entre-soi cinéphile barbant
«Le cours de la vie » de F. Sojcher – sortie le 10 mai