Toutes les critiques du mois, et en ce mois de mai 2023, à retrouver l’intégralité des chroniques du Festival de Cannes 2023.
Disco Boy de G. Abbruzzese – 4.5/5
Bombe métallique et sanguine, transfiguration de la violence à la danse, de la mort à la résurrection, formidable fable où la mise à mort enclenche la régénération, le salut d’un apatride de la légion étrangère viendra de sa résignation, lui qui préfère délaisser son passeport français (cible de son intégration) pour une rédemption intérieure, se libérer du militarisme et ses codes pour le vent libérateur du pardon, et cet œil vairon de la première à la dernière image qui bat le rythme fou de la BO magistrale de Vitalic.
99 Moons de J. Gassman – 1.5/5
Tout sonne faux, de ces silent-party risible à cette première approche sexuelle faussement controversée, ces nuits floutées et cette histoire d’amour qui naît de rien, puis le cliché ringard de l’héroïne qui tombe dans une improbable et échevelée jalousie, une provocation qui dénote à tel point que la césure est bien trop brutale pour être cohérente. Le sexe se veut habilement froid et déconnecté, mais n’apporte rien d’autre qu’un amalgame de plus. Tout se mélange, et plus rien n’a réellement de sens, pas plus dans l’opposition scolaire arty décadent / geek frustré bien lourdeau, jusqu’à une interminable fin dans un je t’aime moi non plus exténuant.
Le paradis de Z. Graton – 1/5
10/5. Déjà que les bonnes idées sont rares dans ce mélo amoureux de deux ados en ré-insertion, mais le casting cataclysmique vient anéantir tout le projet du film, le duo n’est jamais crédible, l’amour est si mal interprété, on n’y croit pas une seconde, et on se retrouve bien mal à l’aise face à une forme de stage d’entrée du cours Florent. Il y avait pourtant quelque chose à jouer dans cette romance à vif, mais rien à tirer de cette escapade qui finit comme le film, face contre terre.
Le cours de la vie de F. Soojcher – 4/5
Masterclass d’une Agnès Jaoui magistrale, qui nous perd entre jeu et réalité (elle interprète une scénariste à succès), tout comme le film, qui ne cesse de brouiller les pistes, entre le discours pédagogique, les leçons d’écriture, et la vie, la vraie, avec ses drames, ses douleurs, et ses amours perdus. Une mise en abime du cinéma français brillante, avec pour l’appuyer une bande son de Vladimir Cosma, un film jamais démonstratif, joueur, presque narquois, un sourire toujours en coin, dans un jeu de dupe qui amuse et touche.
L’exorciste du Vatican de J. Avery – 1/5
Énième exorcisme d’une franchise interminable, cette fois-ci avec la bonhomie de Russel Crowe et sa fiole de whisky, son humour qui grince, et une bonne dose de grotesque (et une apparition de la vierge marie en apogée). Pas d’écriture, pas de tension ni de peur, une addition incongrue de dialogues vides, pseudo-attaques envers l’église catholique (sur l’inquisition espagnole) et une forme très téléfilm qui n’arrange en rien le vide sidéral de son propos.
War Pony de G. Gammell – 4/5
Il y a certes cette « américanisation » de l’écriture (en rajouter) et de la caméra (surplus de bienveillance envers ses personnages), mais ce premier long et caméra d’or à Cannes regorge d’une poésie du désespoir, de la débrouille et surtout de l’entre-aide dans une réserve amérindienne délaissée. On se vole, s’échange les nourrissons comme un pochon de meth, on troque, et trafique, mais on ne se ment pas. L’individu au-dessus du gain, l’humain et les valeurs de la terre, eux qui en désappropriés, gagnant face au capitalisme crapuleux. Beau premier film.
Misanthrope de D. Szifron – 3/5
Au-delà du classicisme de son enquête policière très Fincher, le film trouve son sens par sa terrible vision d’une humanité monotone (les immeubles monochromes de Baltimore, centre commercial), toxique (la décharge, l’abattoir), individuelle (rejet de la différence) à travers la trajectoire conjointe d’un tueur et d’une flic rongée par le même mal, joint l’un dans l’autre par un sentiment d’exclusion d’une société qui se meurt dans l’indifférence. Long, un peu barbant par son final, mais pertinent par ses dialogues plus que par une tension finalement loin d’un thriller, et prenant une forme surprenante de film dossier.