Toutes les critiques du mois
The Son de F. Zeller – 2.5/5
Bien plus classique dans sa narration que The Father, cette histoire de fils dépressif au milieu d’un divorce douloureux peine à trouver sa place car Zeller la narre de manière didactique et scolaire, là où il utilisait Alzheimer dans son précédent pour transcender sa mise en scène, ici la léthargie de la dépression se meut en une caméra trop statique, désincarné, et sa trame probablement sur-écrite vient ennuyer et ne lire que trop superficiellement l’impact des mots, de l’éducation et de la présence des parents (ou ici plutôt leur absence) sur l’état mental d’un adolescent. Jusqu’à sa conclusion évidente, forcément bouleversante, mais peu troublante, trop facile. On aurait aimé une lecture plus frontale sur le rôle malsain du père )et notamment sur sa nature égoïste et auto-centrée jusqu’à sa fin).
El Agua de E. L. Riera – 2,5/5
Riera se perd dans un premier long trop vaste, elle s’égare à en dire trop, s’oublie à tenter le coup de maître en multipliant les lectures de ce monde rural paumé entre tradition ancestrale et abandon de ses terres par une jeunesse désemparée. A l’image de la mixité de sa forme (archives, interviews face caméra, téléphonie) qui s’entre-mêle a ses lectures démultipliées, le film ne trouve jamais son rythme ni son angle, fourre-tout maladroit qui fini par lasser par son manque de clarté. Une ambition peut être démesurée pour une mise en scène qui n’arrive jamais à placer son idée souvent bonne dans un cadre cinématographique encore très perfectible.
Toi non plus tu n’as rien vu de B. Pollet – 1,5/5
Le sujet est passionnant car au liseré de la science et de la connaissance, le déni de grossesse est ici abordé par un fait-divers, et malheureusement filmer comme un téléfilm, toutes idées de mise en scène sont abandonnées au profit d’une narration sans rythme, pédagogique, qui ne soulève rien d’autre chose que son sujet. Le film se termine sur un procès censé interpeller, la pauvre Nakache s’élever en avocate de la défense de toutes les femmes, mais tout s’effondre très vite dans une monotonie et une accumulation de banalités qui annihile son message.
The Whale de D. Aronovsky – 1,5/5
Le malaise est entier, tant Fraser se meut en bête de foire à prothèse, en faisant des caisses les yeux rougis par le maquillage dans une redondance scénique épuisante, aux personnages secondaires caricaturaux et grotesques (la fille rebelle, enfer narratif). On ne s’attendrit pas une seconde face à cette absconse histoire d’amour gay, et ce suicide assisté par la bouffe (en opposition à celui de son amant par l’anorexie) acté depuis la première scène et qui se termine par une ridicule mise à mort angélique à sa dernière par une montée au ciel risible. Dur.
A pas aveugles de C. Cognet – 4/5
Par ce documentaire, Cognet acte l’héroïsme et la bravoure inouïe de ces photographes clandestins, l’image en geste de résistance jouant son rôle fondamental de transmission et de compréhension des atrocités nazis. Même si à la loupe, les interprétations demeurent et la vérité non élucidée. La force du film nait de son procédé d’apposition de la photographie à la réalité contemporaine, le passé sur le présent, un décalque troublant qui filme le calme apaisé d’une nature vierge et nue des hommes sur l’horreur de leurs actions 70 ans auparavant. Au-delà du travail d’investigation, ce parallèle nous rappelle à quel point l’horreur du passé peut s’apposer en nouvelle réalité du présent.
Christophe…Définitivement de A. Leccia et D. Gonzalez Foerster – 4,5/5
Un travail sur la lumière et le mystère, une intimité à distance qui ne percera jamais l’énigme derrière les lunettes fumées, de cette voix angélique qui traverse les âges. Des répétitions au live, de l’exigence au lyrisme intuitif, Christophe est immortel, son documentaire ne répondant à aucune question viscieuse, un hommage sans l’être, une déclaration sans mot, une sublime et indescriptible succession d’images immatériels, vaste rêve et imagerie utopiste, flouté, ralenti, merveille d’un paradis perdu.
Un Varon de F. Hernandez – 3/5
C’est l’histoire d’un jeune homme androgyne, feintant le caïd pour survivre, réfutant sa nature propre pour retrouver une famille (un gang), jouant le varon (« le mec ») pour quitter la rue et sa solitude. Ce qui émeut c’est la candeur de ce visage enfantin qui regarde les feux d’artifices avec naïveté, pleurant l’absence de sa mère, de sa sœur au milieu des rues sinistrées de Bogota. Et cette incapacité profondément humaine à commettre l’irréparable, rattrapée par sa nature sensible en atout salvateur, sauvé par son cœur et par ses larmes.
Chili 1976 de M. Martelli – 4/5
Par l’agressivité de sa bande-son, son atmosphère paranoïde hitchcokienne, Martelli dessine la férocité de la dictature pinochetiste par une juxtaposition suggestive d’images (la peinture rouge communiste mêlée au bleu, le rouge retrouvée sur la façade d’un mur puis dans un gâteau d’anniversaire, …), une tension à la lisière de l’horreur, une sensation de cauchemar au ralenti. Toute la réussite du film est dans la pesanteur de sa mise en scène, sensitive, et asphyxiante comme la dictature chilienne des années 70 le fut pour un peuple agonisant sous la terreur.
Eternal Daughter de J. Hogg – 4,5/5
C’est une histoire de fantôme, et avec elle le processus du deuil à travers les souvenirs, le rattachement au détails d’une vie résolue, le regret des mots jamais prononcés, l’agacement de traits de caractères, le bonheur des mémoires naïves, la détresse des souffrances, en soit, l’acceptation d’une vie entière et résolue. Rare son les metteurs en scène capable de tant d’épure, de minimalisme scénique foudroyant (un bruit de fenêtre, une ombre derrière une vitre, un chien qui s’évade) pour dire tant : l’amour univoque d’une fille pour sa mère, et son chemin pour s’en affranchir.
Grand Paris de M. Jauvat – 3,5/5
Utilisant l’urbanisme de la banlieue parisienne en dessein archéologique, Jauvat parle surtout d’amitié (hilarant duo Leslie et Renard), et d’imaginaire, la grisaille monotone du béton se meut en vaisseaux, Cergy-Pontoise en base militaire secrète, la découverte d’un artefact en une course-poursuite nocturne, enfumée et burlesque, drôle, à la fin absurde en totale roue libre, bravant la réussite académique en une folle et joyeuse loose qui remplit le cœur d’une furieuse envie de simplicité.
Los reyes del mundo de L. M. Ortega – 4,5/5
29/3. Acte magistral sur l’expropriation des terres en Colombie, magnificence croisade de laissés pour compte avec en ligne de mire, la terre sainte, un lopin de terre abandonné ou les hommes seraient égaux, libres et sauvages. La jungle colombienne subjugue la férocité de sa réalité : violente et intraitable, rien n’est dû, tout est acheté, la propriété ne sera jamais la raison du pauvre mais toujours la valeur du riche. Beauté plastique et esthétique, fond implacable et sans espoir. Grand film.
Synchronic de J. Benson – 1/5
Dans cette Inception du pauvre, sa pilule et son voyage dans le temps de 7 minutes, le pathos de la fille perdue, et la faiblesse sidérale d’écriture des personnages (notamment ce père torturé sans aucune contenance), Synchronic est d’un ennui profond, chaque rebond de scénario écrit d’avance. Une sorte de GPT-Netflix en auto-écriture.
Crazy Bear de E. Banks – 2/5
Ni drôle ni gore, il devrait être un délire au second degré, il y a trop de passage au premier barbant et mal écrit, ça se veut émotif alors que tout devrait être absurde, trop de rattache à la réalité (dès le premier plan et la mention d’une histoire vraie), trop de sens dans l’insensé, et donc un navet bien consommé. L’ours n’est même pas au premier plan avec toutes ces histoires annexes vaines et risibles de nullité. Une arnaque qui se la joue cool.
Bonne conduite de J. Barré – 3/5
Ce qui est bien mais pas top. Malgré de la bonne boutade bretonne, une Calamy demi-sel en justicière automobile, et le Palmashow en duo de flic teubé, Barré ne fait pas mieux que ses Vedettes. Drôle mais trop décousu, l’humour que l’on aime, décalé et burlesque, mais qui peine à s’intégrer dans cet ubuesque récit de serial killeuse en Subaru. On se marre, mais pas assez, la bande-son est pompeuse et tout est trop maladroit pour vraiment convaincre.
L’homme le plus heureux du monde de T. S. Mitsevska – 2,5/5
Filmer la guerre intestine et civile de Bosnie par le prisme de l’absurde et le cadre d’un speed-dating aurait pu accoucher d’une montagne d’idée et de prise de risque, malheureusement, tout y est trop académique et polissé, l’enchaînement de petites scènettes n’est ni drôle ni pertinent, et le consensuel de ce chemin vers le pardon se vautre par la faiblesse de son écriture. En somme, on n’y croit pas, et l’ennui prévaut. La lecture est trop simpliste, et l’embrassade finale semble factice.
John Wick 4 de C. Stahelski – 3/5
Monstrueux block-buster colossal, limpide et efficace, débarrassé de ses états d’âmes et lignes de scénarios, de la baston chorégraphiée et précise, avec quelques touches humouristiques bien senties (cette chute interminable des marches du Sacré-Coeur). Jusqu’à son final très Gladiator qui arriverait presque à émouvoir, et qui conclue idéalement cette quadrilogie de bourrinade décérébrée mais à l’univers intriguant très video-game. En tout cas, le plus abouti des 4.